Accompagner ou décliner ?

Thierry Bianchi

L'exigeant impératif d'accompagner que nul ne peut ignorer représente un enjeu majeur pour notre pays.
Au-delà de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, évidemment essentiel à la suite de la vie, nous devons considérer que dès son entrée dans la vie active, parfois même avant, le citoyen ne peut plus être laissé en "solituderie" avec un sentiment d'abandon voire de mépris. Tout au long de sa vie, il ressentira le besoin, en l'exprimant ou non, à des moments différents, d'un accompagnement professionnel, social, personnel, familial ou autre afin d'évoluer de façon positive. Être positif ne se décrète pas, c'est un environnement qui nous conduit à être ou non positif. L'accompagnement crée cet environnement de force en soi.
La réalité du double sentiment d'abandon et de solitude donne naissance à ce qui est nommé par Jérôme Fourqet de l'IFOP "l'archipellisation" et ce que nous nommons "la solituderie". Ce néologisme signifie le sentiment d'être seul face aux peurs, aux défis et aux souffrances qu'engendre le tout-numérique, la société en pleine transformation, parfois brutale.

Il y a urgence à s’affranchir de ces peurs !

Que ce soient les gilets jaunes des ronds-points ou la génération Y des bars de minuit, tous expriment le besoin irrépressible d'être ensemble pour affronter le futur.
Chacun ressent combien les fractures françaises nuisent autant au confort social qu'au développement économique.
La demande n'est plus celle de l'assistance octroyée comme un avantage mais bel et bien celle de ne pas être seul, d'être accompagné afin de mieux comprendre et de mieux aborder les transformations en cours. Être en capacité d'occuper un nouvel emploi, de créer une activité ou de mieux se nourrir ne peut s'accomplir sans être accompagné par une personne ou un groupe détenteurs d'un savoir, disposés à écouter et à transmettre.
Toutes les itinérances politiques et sociales le confirment, être en "solituderie" conduit à l'appauvrissement aussi bien intellectuel que matériel et augmente le fractionnement de la société en cellules éparses qui au mieux s'ignorent, au pire se combattent.
Ce contexte montre combien l'accompagnement est devenu une nécessité pour éviter le pire. Le pire se nommant misère, communautés, xénophobie, racisme, déclassement, chômage voire même émeutes. La mobilisation en faveur de l'accompagnement devrait être déclarée cause nationale. Formateurs, coachs, sociologues, assistants sociaux, sophrologues, mentors, employeurs ou maîtres d'apprentissage, vous toutes et tous ici réunis, nous sommes tous investis d'une mission essentielle à la cohésion de notre pays : réduire les tensions des peurs pour éclairer d'espoir et de savoir le chemin des citoyens.
Accompagner intéresse des dizaines de milliers de praticiens qui créent le lien entre des personnes et des milieux non seulement pour transmettre du savoir mais aussi et surtout pour porter une véritable attention à la personne.
La reconnaissance de ces métiers, encore trop souvent méconnus, s'impose pour réussir la grande transformation en cours au bénéfice de tous. Cela signifie des professions organisées, des cadres réglementaires et fiscaux, des cursus de formation agréés et encore des recherches universitaires ou privées. Cela signifie également une analyse permanente et un décryptage indépendant afin d'évaluer les besoins, les tendances, les pratiques de même que les effets et conséquences de l'exercice de l'accompagnement dans divers secteurs, en diverses occasions.
Nous tous et toutes nous nous dévouons au dialogue et à l'acquisition du savoir de l'autre ce qui permet de tisser les liens de compréhension et d'acceptation nécessaires pour rassembler une société éclatée. Sans ce vecteur d'accompagnement, seules l'autorité hiérarchique et la centralisation régissent une société. Cela est tout simplement incompatible avec une société humaniste et démocratique. Accompagner l'autre, c'est notre destin.

Thierry Bianchi
Président du CNC-Cercle National du Coaching
Président de l’O.M.A.-Observatoire des Métiers de l’Accompagnement