Pourquoi l’outplacement est devenu au XXIème siècle un coaching

Michel BRE
Administrateur CNC
Pilotage des ateliers de Codéveloppement et des commissions internes CNC

L’apport des techniques du coaching à l’outplacement a été clairement identifié dès le début des années 1990. Ainsi en témoigne la charte du Syntec en Outplacement Individuel : le consultant adapte son accompagnement à chaque salarié bénéficiaire en fonction de sa personnalité, son expérience professionnelle et de ses attentes. La mention de la personnalité souligne ici la nécessité, au cours de l’outplacement, de dépasser le cadre du seul emploi des outils du placement et de travailler les représentations professionnelles et culturelles du bénéficiaire, ses freins psychiques, ses motivations, terrain par excellence du coaching.
Toutefois, lorsque j’ai commencé à accompagner des cadres dirigeants dans leurs parcours de carrière il y a une dizaine d’années, il existait surtout deux catégories bien claires de professionnels de l’accompagnement individuel : les coachs et les consultants en outplacement, nonobstant le fait que l’on rencontrait dans quelques cabinets des consultants-coachs précurseurs.
Les coachs, ancrés dans la position dite basse, questionnaient, reformulaient, se gardaient de toute posture de conseil. L’objectif affiché du coaching était de permettre à son bénéficiaire de trouver ses propres réponses. Qu’il soit individuel ou d’équipe, le coaching, pour reprendre les termes du Syntec, visait à favoriser l’optimisation du potentiel humain et professionnel pour un meilleur exercice des responsabilités au sein de l’entreprise.
Le consultant en outplacement était quant à lui un expert de la mobilité externe. Syntec : le consultant définit et prend tous les moyens propres à permettre, dans le cadre de la demande du salarié bénéficiaire, son repositionnement professionnel. En somme, le consultant en outplacement prenait le contrepied exact du coach. Le coach était censé ne rien savoir, la vérité était détenue par le sujet. Le consultant en outplacement décidait du processus et des moyens. Il était fréquent d’entendre qu’il validait le projet.
Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est que la demande des entreprises et des bénéficiaires pousse toujours plus l’outplacement à se métamorphoser en une variante du coaching. Certes, les outils du repositionnement conservent toute leur importance, l’irruption des réseaux sociaux en ce domaine renouvelant en profondeur cette dimension.
Mais, en ces premières décennies du XXIème siècle, sous l’effet des transformations des entreprises, la métamorphose de l’outplacement en une forme de coaching prend une nouvelle ampleur. L’augmentation de la fréquence et de l’amplitude des disruptions, l’incertitude devenue le quotidien des entreprises, l’effacement des modèles organisationnels, l’obsolescence accélérée des modèles de leadership sous l’effet start-up conduisent le bénéficiaire de l’outplacement et son consultant à réinterroger en permanence la façon dont le bénéficiaire s’inscrit dans la chaîne de valeur de son segment d’expertise.
Il est clair que cette interrogation porte aussi sur l’identité professionnelle du bénéficiaire.
Ce ne sont plus des compétences que le bénéficiaire a à vendre pour un poste bien défini, mais son aptitude personnelle à entreprendre dans l’inconnu et à créer de la valeur sur des périmètres qu’il lui appartient en partie de définir en interaction avec l’entreprise. Son rapport à la prise de risque, sa capacité à la disruption, sa sensibilité aux signaux faibles, sa compréhension des codes culturels, sont le nouvel horizon des pratiques contemporaines de l’outplacement.
Ainsi la conduite de l’outplacement par le consultant désormais devenu consultant-coach est-elle en train d’évoluer en profondeur, de la prescription à l’expérimentation. Quoi de moins étonnant dans un monde en profonde transformation dont nous avons tout à apprendre ?