CoachingJean-Noël BruèreLe Coaching interculturel, : Un équilibre subtil entre découverte et défi

Le Coaching interculturel : Un équilibre subtil entre découverte et défi

Naviguer dans les méandres du coaching interculturel

Parcourir les méandres du coaching interculturel ressemble à une traversée en haute mer, où chaque vague apporte son lot d’enseignements inattendus.

La discipline, à mi-chemin entre art et science, exige une vigilance constante face aux courants invisibles qui influencent les relations humaines.

Cette pratique est comparable à la navigation astronomique : il faut apprendre à se repérer parmi les étoiles culturelles sans perdre le cap vers l’essentiel.

Derrière les apparences des premières rencontres se cache une richesse anthropologique insoupçonnée.

Une simple barrière linguistique peut masquer des conceptions radicalement différentes du temps, de l’autorité ou de la vérité.

Chaque interaction devient une leçon d’humilité qui remet en question nos repères les plus solides.

L’interculturalité comme source d’enrichissement

Les différences culturelles ne sont pas des obstacles, mais autant d’opportunités d’élargir notre regard sur le Monde.

À La Réunion, terre de métissage où se croisent depuis des siècles des influences africaines, malgaches, indiennes, chinoises et européennes, cette richesse peut parfois passer inaperçue.

Je me souviens de mes débuts sur l’île : je croyais naïvement que parler créole et cuisiner un carry suffisaient à comprendre le contexte local.

La réalité m’a rapidement remis les pieds sur terre.

Le coaching interculturel exige bien plus qu’une connaissance des traditions visibles.

Il demande une immersion dans les valeurs implicites, les logiques sociales et les représentations mentales.

Un détail anodin – une manière de saluer, de fixer son interlocuteur, de prendre la parole – peut tout changer dans une relation.

L’épreuve du terrain : confronter les idées reçues

C’est dans les entreprises que les différences culturelles prennent toute leur importance.

Je me souviens d’un directeur venu de métropole, convaincu que son style de management direct et énergique serait apprécié de tous.

À sa grande surprise, il a suscité une forme de méfiance au sein de son équipe réunionnaise.

Ce qui passait pour du leadership à Paris était perçu ici comme de l’agressivité.

La résolution de ce malaise a pris plusieurs semaines, et c’est autour d’un repas informel que le véritable déclic a eu lieu.

En découvrant les codes relationnels locaux, ce dirigeant a pu adapter sa communication sans renier ses valeurs.

Ce type de situation illustre parfaitement le rôle du coach interculturel : non pas imposer une méthode unique, mais aider à créer des passerelles entre des visions du monde différentes.

Les pièges invisibles de la communication

La communication ne repose pas uniquement sur le langage.

Elle est aussi faite de silences, de gestes, de rythmes, souvent imperceptibles si l’on n’en connaît pas les clés.

Je pense ici à une entrepreneure d’origine chinoise que j’ai accompagnée : ses longs silences pendant nos séances n’étaient pas de l’indifférence, encore moins de la gêne, mais une marque de respect et de réflexion.

Dans sa culture, parler trop vite est vu comme un signe de superficialité.

Cette expérience m’a rappelé un principe essentiel : plus on connaît une culture, plus on court le risque de tomber dans les stéréotypes.

L’équilibre se situe entre la connaissance théorique et l’écoute active, entre la préparation et la capacité d’accueillir l’imprévu.

Chaque personne, au-delà de sa culture d’origine, est une singularité à découvrir.

L’influence de l’inconscient collectif

À La Réunion, comme dans d’autres sociétés issues de métissages complexes (on en trouve aussi en métropole), les mémoires historiques continuent d’agir en profondeur.

L’héritage de l’esclavage, les hiérarchies sociales issues du colonialisme, les traditions religieuses entremêlées : tout cela forme un terreau invisible mais puissant.

Ces éléments influencent notre perception des autres, souvent à notre insu.

C’est pourquoi j’insiste toujours sur l’importance de commencer par soi-même : identifier ses propres filtres culturels est une étape indispensable pour accompagner l’autre avec justesse.

La relativité des repères

Nos façons de penser, décider, agir sont profondément façonnées par nos cadres culturels.

Prenons l’exemple de la réussite professionnelle : ce qui est vu comme un accomplissement à Paris – un poste à responsabilités bien rémunéré – peut être perçu ailleurs comme un fardeau, un isolement social, ou une source de stress.

L’écoute active permet de saisir ces écarts subtils. Il ne s’agit pas seulement d’entendre les mots, mais aussi de capter ce qui est tu, suggéré ou exprimé à demi-mot.

Les silences, les hésitations, les inflexions deviennent des clés précieuses de compréhension.

Réseaux relationnels : entre richesse et vigilance

À La Réunion, où les liens sont denses et multiples, les réseaux relationnels ont deux visages.

D’un côté, ils facilitent les connexions et accélèrent la circulation de l’information.

De l’autre, ils rendent délicate la préservation d’une neutralité absolue.

Les appartenances familiales, communautaires, associatives ou amicales introduisent des loyautés parfois contradictoires.

Le défi permanent, dans ce contexte, est de trouver le bon équilibre entre implication humaine et distance professionnelle.

Une aventure humaine singulière

Malgré ses exigences, le coaching interculturel est une source inépuisable de satisfaction.

Chaque client me renvoie à mes propres limites, à mes préjugés parfois invisibles.

Plus qu’une méthode, cette pratique devient pour moi un chemin de transformation personnelle.

À La Réunion, cette dimension prend une profondeur particulière.

Accompagner dans ce laboratoire vivant du métissage, c’est comme danser au rythme d’une musique en perpétuelle évolution.

Juste au moment où l’on croit avoir compris, tout change.

Être passeur culturel : une vocation

Ni ethnologue, ni psychologue, le coach interculturel développe une posture hybride, à la croisée de plusieurs disciplines.

Après quarante années d’expérience, dont presque vingt consacrées au coaching, j’apprends encore tous les jours.

L’humilité est, selon moi, la première qualité de ce métier.

Nous ne sommes que des passeurs, des ponts entre des mondes qui parfois s’ignorent.

Notre rôle est de rendre possible une vraie rencontre, sans prétendre tout comprendre.

Le coaching interculturel, dans sa forme la plus aboutie, devient alors une philosophie de la relation. Un art du lien dans un monde globalisé mais souvent fragmenté.

C’est un voyage sans fin, où chaque escale est une nouvelle invitation à apprendre.

Et c’est justement ce qui rend cette aventure humaine et professionnelle si précieuse.

Jean-Noël Bruère, Correspondant du Cercle National du Coaching pour la région La Réunion

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