Le coaching peut-il échapper au futur de la planète ?

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » (1).
Un million d’espèces animales sur 8 menacé d’extinction ; 85% des zones humides disparues depuis le 18ème siècle ; 3,5 milliards d’habitants menacés par l’érosion des sols ; une prévision d’émission annuelle de 59 Gt de CO2 en 2030 contre 40 au plus pour contenir le réchauffement climatique à 2° (2).
29 ans après le premier rapport du GIEC, 24 ans après le Protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effets de serres de serre, les conditions de l’existence même de l’espèce humaine continuent de se fragiliser comme l’actent régulièrement les rapports scientifiques. La question du futur fait maintenant question pour nous (3).
Quel rapport avec le coaching ?
Bien que tous les organismes professionnels ne donnent pas du coaching exactement la même définition, celles-ci cependant convergent pour en faire un outil du développement de la personne, de son autonomie, de sa performance :

  • Charte du Syntec Coaching : Accompagner un salarié, un groupe ou une équipe, afin de favoriser l’optimisation de leur potentiel humain et professionnel pour un meilleur exercice de leurs responsabilités au sein de leur entreprise.
  • Charte Professionnelle pour le Coaching et le Mentorat à laquelle souscrivent EMCC France, ICF France, Société Française de Coaching : One of the definitions of coaching is: coaching is facilitating the client’s learning process by using professional methods and techniques to help the client to improve what is obstructive and nurture what is effective, in order to reach the client’s goals. Coaching can also be described as : Coaching is partnering with clients in a thought-provoking and creative process that inspires them to maximize their personal and professional potential.
  • Code de déontologie du Cercle National du Coaching (CNC) : Le coaching est une relation d’aide ou d’accompagnement, conduite dans un processus d’autonomisation qui permet à un individu ou un groupe de mobiliser ses propres ressources afin de dépasser une situation personnelle ou professionnelle, en cohérence avec les objectifs qu’il se fixe.

Il est habituel que les coachs revendiquent une neutralité d’opinion et qu’ils s’interdisent toute prise de position dans l’exercice de leur fonction. Le coach aide le coaché à prendre du recul. Il se garde de prescrire une décision. Relevons que ces principes sont accompagnés de précisions importantes par les organisations professionnelles :

  • Syntec : Tout coach de Syntec Coaching s’engage à exercer son activité dans le respect de la diversité et lutte activement contre la discrimination sous toutes ses formes.
  • Code de déontologie de EMCC France : Les membres s’engagent à respecter les lois applicables et à ne jamais encourager, faciliter ou cautionner de quelconques activités malhonnêtes, illégales, non professionnelles ou discriminatoires.

Le coaching, outil du développement et de la performance, s’inscrit donc dans une perspective morale et légale. Mais pas seulement.
Il existe un lien profond entre le coaching et l’activité professionnelle. Le coaching renforce l’employabilité. En permettant au bénéficiaire de mieux comprendre la dynamique de son environnement, il contribue à pérenniser son existence comme agent économique. Il le prépare aux évolutions des organisations, des métiers, des fonctions.
Outil de prise de conscience et de transformation individuelle, on ne s’étonnera donc pas que le coaching croise la question du sens du travail. Nul besoin de développer ici que la relation de travail connait une crise allant en s’approfondissant depuis un demi-siècle. Celle-ci se caractérise tant par une incertitude, voire une précarité croissante que par une dissolution du sens (4). Ne parlerait-on pas tant de l’importance de la vision chez le leader si les choses allaient de soi ?
Or, dans sa forme productiviste actuelle, la performance du travail met en danger l’existence de l’unique écosystème dont nous disposons. En 1971, le jour du dépassement, c’est à dire celui où l’empreinte écologique de l’humanité est supérieure à la bio-capacité de la planète, était le 21 décembre. En 2018, cette date a été ramenée au 1er août.
Il n’est donc pas illégitime de se demander si confrontés à une telle situation, les coachs, experts de la performance individuelle et de l’accomplissement par le travail, n’ont rien à dire. Quel développement de la personne pour quelle finalité du travail ? Quel sens peut avoir l’affirmation de l’autonomie individuelle tandis que la survie de l’espèce pourrait être menacée ? (5)
Ainsi n’est-il pas de la responsabilité des coachs de s’interroger sur la portée de leur pratique, d’interroger l’autonomie et la performance à laquelle ils s’emploient ? Eux, familiers de la dimension systémique des accompagnements individuels, ont-ils oublié l’effet papillon d’Edward Lorenz ? Peuvent-ils rester indifférents aux effets collectifs différés sur l’environnement de leur action ? En d’autres termes, les coachs peuvent-ils éviter de s’interroger sur le futur de la planète ?
N’est-il donc pas de toute nécessité que les coachs prennent en charge dans leur pratique une Responsabilité Sociétale et Environnementale qui réponde aux enjeux de l’humanité pour le XXIème siècle ?
En 1532, prophétique, Rabelais écrit dans Pantagruel : Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. N’est-il pas temps d’écrire au fronton des écoles de coaching : Performance sans conscience n’est que désolation sur terre ?
Michel Bré,  
Directeur de LHH, Administrateur du Cercle National du Coaching

1 J. Chirac, Johannesburg, 2 sept. 2002
2 GIEC oct. 2018 ; PNUE nov. 2018 ; IPBES mai 2019
3 Aurélien Barrau, Le Plus grand défi de l’histoire de l’humanité, 2019
4 Richard Sennett, The Corrosion of Character, 1998 ; David Graeber, Bullshit Jobs : A Theory, 2018
5 Jared Diamond, Effondrement, 2005