Le concept d’accompagnement : une approche par les finalités

 

Le contexte de la reforme professionnelle et les problematiques présentes et à venir  

Contexte de la réforme

L’utilisation du mot date des années 1980 durant lesquelles l’accompagnement est devenu une pratique sociale courante, notamment dans les sciences de l’éducation (cf. loi de 1971 sur la formation professionnelle des adultes), le sport (pour faire atteindre des performances), la clinique, les domaines juridiques et sociaux. Une pratique qui s’appuie sur des fondements théoriques du souci de l’autre et de la bienveillance.
L’étymologie du mot est : « aller vers » (ac), « avec » (cum) et « pain » (panis), autrement dit « celui qui partage le pain avec un autre ».
En français, le terme recouvre globalement 3 idées :

  • Complément : ce qui s’ajoute, être associé à un acte, un état, s’y ajouter, aller de pair avec…
  • Harmonisation : convenir à…, s’accorder avec…
  • Soutien : servir de guide à quelqu’un, à un groupe, conduire quelqu’un quelque part, l’assister, l’aider.

Pour J.P. Boutinet l’accompagnement se définit au regard de ses finalités et de la multiplicité de ses usages :
– soit atteindre un but, une réussite, obtenir de meilleures performances, (« accompagnement-visée »)
– soit assurer une présence, un encouragement dans une situation délicate, « aider à un mieux vivre par un vivre autrement sans changement radical » (« accompagnement-maintien »)
Une dimension s’ajoute aujourd’hui, celle de l’accompagnement de projet, que celui-ci émane de l’accompagné ou qu’il requiert l’aide de l’accompagnant pour émerger ou qu’il soit prescrit à la personne (ex : personnes dépendantes).
La fonction (le service, la prestation) d’accompagnement se singularise également par le fait qu’il s’agit d’une démarche à inscrire dans la durée.

Le jeu des synomymes (au regard de ce qui précède)

  • Accompagner : assister, soutenir, conduire, faire valoir, entraîner
  • Coacher : entraîner, amener, guider, conseiller, …
  • Conseiller : conduire, guider, « mentorer »,…
  • Consulter (consultant) : écouter, questionner,
  • « Tutorer » (tuteur) : aide,…
  • « Mentorer » (mentor) : conseiller, guider, éduquer,…
  • Former : développer, élever, éduquer, entraîner,..
  • Pratiquer une médiation : arbitrer, concilier,…

Des finalites proches, des pratiques disparates

Le coaching, une pratique tournée vers l’auto-diagnostic de ses ressources
C’est une pratique qui se vulgarise, d’abord dans l’entreprise, il y a près de vingt ans, aujourd’hui elle se développe dans la fonction publique ; son objectif central est de développer les compétences et le potentiel des employés.
Le Larousse définit le coach (pluriel : coachs) comme : l’ « entraîneur d’une équipe, d’un sportif de haut niveau, » mais aussi comme  le « conseiller professionnel qui cherche à développer les performances d’un salarié, d’un acteur, d’un chef d’entreprise, etc. »
Il est tour-à-tour qualifié de « catalyseur », « donneur de souffle », « accoucheur de talent », « passeur », « révélateur », « agitateur de potentiel et savoir-faire », …
Le coaching, qu’il s’adresse à un individu ou à un groupe, reste focalisé sur la valorisation de la personne et sur la prise de conscience de sa capacité à agir sur la situation qu’elle vit ou vivra à terme.
Le coaching repose sur la relation de confiance, un objectif prédéfini en commun (contrat) et un soutien sur le plan personnel et méthodologique pour passer du vécu à l’action, ce qui relève de l’intervention de professionnels.

Le conseil, une pratique tournée vers l’assistance
En 1908, aux Etats-Unis, le conseil émerge comme une pratique d’orientation professionnelle.
Cette pratique se développe en France sous l’influence de Rogers (1942) dans les années 1970 qui prône « des consultations directes avec un individu en vue de l’aider à changer ses attitudes et son comportement » et ce, dans un processus de développement personnel sur fond de psychothérapie. Le conseil est centré sur la relation entre un professionnel et son client et non sur la difficulté.
Aujourd’hui, les demandes de conseil émanent de personnes confrontées à du mal-être existentiel, à des situations personnelles et/ou professionnelles en lien plus ou moins étroit avec un contexte social (travail, famille, culture, valeurs…)
De fait, le conseil repose désormais sur une personne « normale », la recherche de son mieux-être dans une situation problématique, la mobilisation de ses ressources et la prise en compte de son environnement.

La consultance, une pratique tournée vers la quête d’un avis
Le consultant est le plus souvent sollicité pour son expertise, le service attendu est d’obtenir son avis concernant un cas, une situation donnée, une aide à la décision.
Ainsi le consultant « accompagne une personne dans une délibération préparant une conduite à tenir dans une situation-problème » (2001).
Pour autant, aujourd’hui, l’intervention du consultant va au-delà de la résolution de problème ; elle implique de la part du « client » que celui-ci pense son action en relation avec son environnement, avec ses réseaux et donc qu’il envisage de changer de comportement, de regard. Ainsi la consultance « suppose de s’impliquer ensemble sur une situation commune… », « il ne se situe ni en extériorité, ni entre protagonistes, il prend part à un processus. ». La dimension relationnelle entre deux personnes impliquées devient un paramètre important dans la démarche.

Le tutorat, une pratique tournée vers l’apprentissage et l’intégration
Le tutorat est une relation formative entre un professionnel expérimenté et un débutant (une personne ou un petit groupe de personnes) en situation d’apprentissage. Cette relation d’aide vise la transmission de savoir-faire mais aussi de valeurs d’un corps de métier ; la nature de ce soutien est double, psychologique (encourager, intéresser, mettre en confiance, conseiller,) et pédagogique (guider, montrer, contrôler, former,…)
A l’origine, l’objectif final était d’amener progressivement le « tutoré » à maîtriser une activité, à l’exercer en toute autonomie mais aussi à se forger une identité professionnelle en lui demandant d’imiter un modèle.
Puis, au-delà d’aider l’apprenti à reproduire un modèle, le tutorat a consisté (et consiste) davantage à faire réfléchir la personne à partir d’une expérience de terrain vécue, à l’analyser et la comprendre. Les entretiens sont le mode opératoire du tuteur générant une proximité relationnelle entre les deux interlocuteurs.
Aujourd’hui, « c’est (-aussi-) une relation bilatérale de coopération spontanée entre des personnes de même niveau, visant l’acquisition d’une formation particulière ou complémentaire. Cette relation de tutorat s’instaure sur la base d’un désir commun de s’aider mutuellement à progresser. »  (Michel Nadeau, ACC, et Danielle Labre, CRHA, La Presse le 29 janvier 2011)

Le mentorat, une pratique tournée, elle aussi, vers l’autonomie
C’est une relation d’aide où un « aîné », le mentor conseille une personne, « son protégé », au mieux de sa connaissance et lui transmet ses savoirs, sa sagesse, ce qu’il a accumulé comme expertise, expérience et connaissance de l’organisation pour permettre au mentoré d’avancer, sur le plan personnel et professionnel et d’accéder à l’autonomie au sein de la structure.
La proximité du mentorat avec le coaching, le développement personnel, contribue à flouter les notions, au point de rendre les termes interchangeables dans certaines circonstances.

Quid de la formation professionnelle ?
C’est la loi de 1971 sur la formation professionnelle qui a favorisé l’émergence du métier de formateur d’adulte.
Les formateurs exercent dans de multiples secteurs : la formation professionnelle initiale et continue, les entreprises, les administrations, les associations, … Le métier est multiforme également par les statuts variés qu’on y rencontre. En particulier dans l’administration, les formateurs tiennent leur légitimité de leur expérience professionnelle et de leurs compétences pédagogiques indépendamment d’un diplôme universitaire.
Il est généralement admis que le formateur d’adulte exerce trois activités-types :
1. Concevoir et conduire un dispositif de formation (ingénierie de la formation). 2. Enseigner et faire preuve de pédagogie en animant des séances de formation en “face à face” ou à distance (« aptitude à enseigner et à transmettre à un individu ou un groupe d’individus — de tous âges et de toutes conditions — des compétences, un savoir ou une expérience par l’usage des méthodes les plus adaptées à l’audience concernée. »
3. Accompagner
Avec la révolution numérique qui a transformé le paysage socio-économique ainsi que les comportements individuels et collectifs, les modalités d’apprentissage ont changé, les attentes des apprenants également. Les organisations développent aujourd’hui d’autres formes de professionnalisation que l’action de formation : professionnalisation et alternance, formation non formelle ou mise en situation de travail, mentorat, transfert de compétences, tutorat, coaching, etc. Ainsi le rôle, la place et la posture de l’enseignant-formateur se redéfinit. Sa formation aussi…

Quid de la médiation ?
La médiation est une pratique ou une discipline qui vise à définir l’intervention d’un tiers (indépendant, neutre et impartial) pour faciliter la compréhension d’une situation, éclaircir ou rétablir des relations.
Cette pratique (hors champ juridique), comme celle du conseil, se déploie dans tous les secteurs de la vie professionnelle et personnelle. En tant que posture, elle trouve un regain d’intérêt dans les organisations, (entreprises, administrations), dans les DRH, pour prévenir les conflits internes et rétablir du « lien ».

Les enjeux d’une reconnaissance-metier 

Dans l’entreprise : les certifications professionnelles RNCP dans les métiers de l’accompagnement (Etude de C. Martin et G. Asseraf, COE 17 mai 2016)
Comme le montre cette étude, dans le paysage de l’offre de certification, il n’y a pas UN métier de l’accompagnement mais DES métiers.
Périmètre de l’étude :
– 262 certifications ont été repérées au regard de 2 critères de classement : la nomenclature des niveaux de formation de 1969 et le code NSF.
– puis ces 262 certifications ont été examinées sous l’ange de plusieurs codes ROME, 60 certifications sont ressorties et ont été étudiées concernant 3 activités :
*la santé, la sécurité des salariés
*la gestion et l’évolution professionnelle au sein de l’entreprise
*l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi

A partir de ces thématiques, 10 catégories de métiers ont été identifiées en croisant code NSF (nomenclature spécialités de formation) et niveau :
– Métiers de la psychologie : conseiller en changement interne, conseiller en formation, conseiller en insertion
– Spécialités plurivalents des échanges et de la gestion : accompagnateur entrepreneurial,
– Métiers des ressources humaines, gestion du personnel, gestion de l’emploi : conseiller en changement interne dont 1 psychologue, conseiller en formation, conseiller en insertion, coach professionnel, responsables ressources humaines, conseiller en formation-emploi, conseiller VAE
– Travail social : conseiller en insertion
– Enseignement-formation : conseiller en insertion, conseiller en insertion-formation
– Coiffure, esthétique et autres spécialités de services à la personne : conseiller en image
– Développement des capacités d’orientation, d’insertion ou de réinsertion sociales et professionnelles : conseiller en formation-insertion

Dans la fonction publique : les répertoires des métiers
Il y a une plus de dix ans, les trois versants de la fonction publique (de l’Etat, territoriale et hospitalière) se sont dotés de répertoires des métiers (accessibles sur internet); ces référentiels n’ont pas de valeur juridique mais ils constituent des outils indispensables pour la conduite de tous les processus de gestion des ressources humaines (recrutement, formation, gestion prévisionnelle, rémunération, gestion personnalisée,…)
A ce jour aucune étude n’a porté sur le recensement des métiers spécifiques de l’accompagnement individuel ou d’organisation (cœur de métier), mais, à titre d’exemples on peut citer :
– Pour la fonction publique d’Etat :
Dans le Domaine fonctionnel « RH » du Répertoire interministériel des métiers de l’Etat (RIME), les métiers chargés d’accompagnement et du conseil sont : le conseiller en évolution professionnelle (nommé aussi couramment conseiller mobilité-carrière), le coach interne, le conseiller en organisation du travail et conduite du changement.
– Pour la fonction publique territoriale :
Dans la Fonction « Pilotage, management et ressources humaines » du répertoire des métiers territoriaux, les métiers chargés d’accompagnement et de conseil sont : le conseiller en prévention des risques professionnels, le conseiller en organisation
– Pour la fonction publique hospitalière :
Par nature, le secteur de la santé, dans nombre de ses métiers a une mission d’accompagnement du patient et de son entourage. En interne, comme dans les deux autres versants, le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière, identifie le conseiller en organisation.

Question 

Faut-il « briser la nébuleuse » de toutes ces pratiques d’accompagnement ? Et si demain, nous étions « tous coachés » (Faibre d’Arcier 2001) ? En même temps, rester dans ce dédale, n’est –ce pas renoncer à donner du sens, à reconnaître l’utilité de ce font tous les professionnels chargés d’accompagnement ?

Si les points communs de ces métiers sont nombreux… :
1) des appellations qui ressortent du même champ sémantique d’accompagner
2) un objectif constant : aider à enclencher un changement, une évolution de ses manières de penser, d’agir, aider l’individu à devenir « actif et créateur » (Feuerstein, 1994)
3) une posture qui requiert des compétences de savoirs, savoir-faire et savoir-être, une éthique métier et le respect d’un code de déontologie
4) des outils et méthodes qui s’empruntent les unes, les autres et sont adaptées à la situation donnée et une démarche, un cheminement en séquences
5) une interaction entre le professionnel qui s’implique, une relation de confiance et un accord réciproque sur les buts et la méthode
6) une adaptation systématique du praticien à la situation rencontrée, son intervention s’invente chemin faisant
7) une exigence de professionnalisation, d’actualisation permanente de ses compétences en termes de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être.

… par nature, l’accompagnement est « divers » si l’on veut bien considérer  

1) la diversité des demandes d’aide
2) la diversité des rôles de l’accompagnateur, lors d’une même intervention
3) l’imbrication des objectifs d’apprentissage, de développement personnel, de résolution de problème, …
4) la définition du temps consacré à l’intervention, prédéfini ou pas

Dominique PARDOUX, Administratrice du Cercle National du Coaching, chargée de mission RH au SG et cheffe de projets RH à la SD des politiques RH interministérielles. Ministère chargé de la Fonction publique – Direction générale de l’administration et de la FP.