Une trop brève histoire du coaching
Michel BRE
Administrateur CNC
Le coaching s’est développé à un moment bien particulier de l’histoire de la société industrielle du XXème siècle : au milieu des années 70, lorsque le modèle fordiste de production s’essouffle sous les effets conjugués des chocs pétroliers successifs, de l’essor de la concurrence internationale et de l’affaiblissement général de la société patriarcale au profit d’une apparente autonomie plus large des acteurs.
On assiste à cette période à une intensification du travail et paradoxalement à un affaiblissement de la capacité des entreprises à organiser centralement le travail selon des structures stables. La charge de l’organisation est reportée sur un encadrement progressivement atomisé, mouvement qui perdure jusqu’à nos jours et que l’on entend dans les expressions : La solitude du dirigeant et Rendre les salariés acteurs de...
C’est que salariés et encadrement sont appelés à se mobiliser pour gagner la bataille économique engagée par l’entreprise. Un nouvel élan est nécessaire. Il donne naissance dans les années 80 au Leadership Transformationnel. Le leader n’est plus celui qui adapte son comportement à la maturité de ses équipes (Management Situationnel), il devient alors celui qui s’engage, impulse une vision, suscite la motivation, convainc les équipes à se dépasser.
Le client entre dans l’organisation et détrône l’encadrement de sa place centrale. Les entreprises sonnent la mobilisation générale. Mieux avec moins. La qualité devient le mantra du management. Une société du service se met en place, qui mutera en société de l’immatériel telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Dans le même temps que l’engagement psychique des salariés est requis à coups de projets d’entreprise, apparaissent les premiers symptômes identifiés comme tels de l’épuisement professionnel, le burn-out (H. Freundenberger, Epuisement professionnel, Brûlure interne, 1985), qui ne cesse de s’étendre.
Le coaching se développe alors comme une réponse à la difficulté des individus à trouver en eux les ressources psychiques et les compétences organisationnelles nécessaires pour réponde à ces profonds changements de paradigme et leurs effets désorganisateurs au plan psychique. Bien des coachings de nos jours mettent en évidence un management désorienté dans d’insondables complexités organisationnelles.
Il n’y a pas de théorie du coaching mais un vaste ensemble de pratiques sans lien entre elles dont l’épicentre commun se situe sur la côte ouest de la Californie.
Il est remarquable d’observer en effet que ses principales sources plongent leurs racines dans des courants aux visées initialement psychothérapeutiques issus principalement de ce coin du monde dans les années 50 : Analyse Transactionnelle, PNL, Palo-Alto … comme en réponse à une demande collective informulée de prise en charge d’un nouveau malaise dans la civilisation.
60 ans plus tard, dans notre période dont tous les observateurs s’accordent à estimer qu’elle est la fin d’un modèle sans que le prochain soit identifié, la demande de coaching s’est étendue à tous les échelons de l’entreprise et à toutes les strates de la société. Toute relation d’aide tend à devenir coaching. On trouve ainsi le coaching sportif, le coaching de vie, le coaching scolaire, le coaching de son animal préféré…
Le coaching en entreprise doit répondre au redoutable défi d’apporter à ses bénéficiaires les moyens de se mouvoir dans un univers soumis à une accélération permanente et à une incertitude radicale, situation complexe s’il en est. Le coach n’est pas un Deus Ex Machina. Il n’échappe pas au trouble de son époque. Plus que jamais, il gagne à savoir d’où lui vient son art, à désapprendre et à se souvenir que pour chaque situation complexe, il y a une réponse qui est claire, simple et fausse (H.L. Merken).