Réflexions sur la philosophie de la certification au CNC

On peut dire que la spécificité de la certification du Cercle National du Coaching est qu’elle est axée sur la professionnalisation et le développement des coachs, plutôt que sur la sélection et la compétition qui président aux modalités de certification dans les autres associations de coaching.

En effet, dans la grande majorité des associations de référence, la sélectivité a pour finalité de restreindre l’accès au métier de celles et ceux qui, soit sortent du cadre de référence imposé, soit débutent dans cette activité tout en possédant par ailleurs une expérience professionnelle et sociale significative.

Le CNC, à travers son « noyau dur » de départ a choisi une autre orientation : privilégier la professionnalisation des coachs en permettant même aux débutants dans le métier d’obtenir un premier niveau de reconnaissance. Et ce, afin qu’ils n’avancent pas en aveugle comme des « électrons libres », mais qu’ils puissent dès le départ s’inscrire dans une démarche de co-développement et de compagnonnage.

Est-ce que le fait d’être sélectif a des effets positifs sur la « qualité » des coachs certifiés (on pourrait dire la même chose s’il s’agissait de psychothérapeutes ou d’adultes souhaitant intégrer un cursus universitaire) ?
Absolument pas, pour la bonne et simple raison que plus les critères sont sélectifs, et plus les postulants sont amenés à « tordre » leur parcours et leurs compétences réelles pour satisfaire aux exigences de « juges », parfois en mal de pouvoir. Et comme les possibilités de contrôle des informations sont réduites, les postulants inventent « l’histoire » qu’ils considèrent être la plus à même de séduire des membres du jury.

On construit alors les conditions de la sur-adaptation sociale (c’est-à-dire que j’agis en fonction de ce que je pense que l’autre attend de moi), alors même que ceux qui se prêtent à ce jeu se considèrent souvent comme des innovateurs sociaux, des « agitateurs » (d’idées) et des chantres de l’émancipation !

La démarche du CNC pourrait paraître trop ouverte et insuffisamment sélective dans la mesure où nous n’avons pas de critères réellement « éliminatoires ». Bien entendu, si nous avions affaire à quelqu’un qui nous paraîtrait trop « déconnecté » de la réalité, nous ferions en sorte de ne pas accorder la certification à cette personne. Mais le cas, à ma connaissance, ne s’est jamais présenté, et le dossier écrit à remplir constitue en ce sens un « garde-fou » important (il est difficile d’imaginer quelqu’un qui serait très en difficulté personnelle aller au bout de ce travail)

Là où la certification du CNC, derrière son ouverture, est beaucoup plus exigeante, c’est qu’elle confronte la personne à elle-même et à sa capacité à se présenter telle qu’elle est aux yeux d’autrui. Dans la mesure où nous ne lui demandons pas de nous donner une image ou une autre, ni d’apparaître sous un jour particulier, se pose alors la question de la « présentation de soi » où immanquablement la peur d’être jugé ne peut pas ne pas être présente.

La question de l’authenticité n’est plus dans les mains du jury mais dans celles de la personne qui postule. Quelle image donner de soi, de ses compétences, jusqu’où aller dans la reconnaissance de ses limites et de ses doutes ?
Le travail demandé s’inscrit alors dans une logique qui est celle du Processus d’individuation qui constitue, chez l’adulte, une étape majeure de son processus de socialisation (dont on sait aujourd’hui qu’il se poursuit jusqu’à la fin de la vie). Or, dans cette dynamique qui est celle de l’individuation, l’enjeu est la confrontation au paradoxe suivant (tel qu’énoncé par Jung) : plus je me rapproche de moi et mieux je m’insère dans le collectif.

Contrairement à ce qu’on a longtemps pensé en psychologie, le fait de vouloir s’adapter à tout prix n’est pas un facteur positif d’intégration sociale, au contraire. Plus la personne va se développer de manière autonome en affirmant son propre « style », et plus elle aura de chances d’être « reconnue » par les autres.

Quelle serait la capacité d’un coach à accompagner qui que ce soit si lui-même n’a pas entrepris ce travail d’individuation, c’est-à-dire s’il n’a pas développé sa capacité à être distinct et, à tout le moins, à être conscient des représentations issues de son éducation, de son environnement social et de son milieu professionnel ? Cela voudrait dire alors qu’il n’a aucune distance vis-à-vis de sa propre vision des choses et du monde. Et prétendrait faire faire à l’autre un travail que lui-même n’a pas accompli.

Or, pour reprendre une formule célèbre, un coach » ne s’autorise que de lui-même » ! Certes, il a besoin de la certification pour pouvoir se développer professionnellement, et nul doute que la reconnaissance des pairs via une association professionnelle telle que le CNC constitue un levier important de plus grande confiance en soi et en ses capacités. Par ailleurs, un des fondements de la philosophie du CNC est le co-développement : on ne peut progresser qu’en acceptant de se prêter au jeu de l’échange, de l’écoute, du débat, de la confrontation de points de vue, bref, en conservant ce qu’il faut d’humilité pour continuer à apprendre de la vie !

Penser qu’introduire des critères sélectifs contribue à « assainir » un domaine d’activité récent qui se construit progressivement est une pure illusion. Au contraire, amener des gens à « faire semblant » et à apparaître sous le couvert d’un « masque social » (la persona) ne peut que contribuer à l’instauration de relations biaisées, inauthentiques et pauvres. Chacun s’enfermant dans un rôle ou une fonction, et tous reproduisant les interactions insignifiantes que n’importe quel milieu familial, professionnel ou social est capable de générer.

Si, par contre, un professionnel est conscient de ses manques et se sent suffisamment sécurisé (car non jugé) dans un cadre qui défend à la fois un minimum de rigueur dans les pratiques, une éthique de la relation à l’autre et une ouverture intégrant la diversité des parcours, on aura créé les conditions d’une évolution partagée, au profit de tous ceux qui ont aujourd’hui recours à un coach pour les accompagner dans leur propre progression.

Christophe VANDERNOTTE
Président du Conseil scientifique du Cercle National du Coaching